Il s'agissait, en vue d'un salon très normand, donc très arrosé (dans tous les sens du terme puisqu'il pleuvait), de présenter un texte de 4 minutes, à haute voix sur le thème de la Pomme... Peu importait sa nature : Philosophique, humoristique, poétique... c'était selon les bons vouloirs et capacités de l'auteur. Voici ce que je présentai alors :
LA POMME
OU COMMENT JE SAOULE UN AUDITOIRE !
Lors de notre inscription au salon de
Pont L’évêque, sur ce fabuleux rendez-vous littéraire et ô combien culturel,
(fabuleux, parce que c’est mon premier et aussi parce que je me sens plus que
petite face à des élites si prestigieuses), on nous a gentiment demandé de
préparer un texte de quatre minutes sur… La pomme ! La pomme, normal
pour des Normands, en Normandie au pays de ladite rondouillarde. Sur le coup je
m’suis dit : « Faut pas se foutre de ma... poire » !
Mais bon, avec le recul je me suis
piquée au jeu. Mon Dieu ! Quel difficile exercice que ce texte imposé,
surtout quand vous fonctionnez à l’instinct. Toujours est-il que je me suis
obligée à accepter et à relever le défi.
Donc, après avoir cherché, fouiné,
cliqué un peu partout sur le web… sur un apple ! Je suis tombée des nues.
Voulez-vous que je vous dise la vérité ? Eh bien, la pomme est un faux
fruit. C’est un délice déguisé. Je vous l’assure, elle nous trompe, nous berne,
nous abuse et se paie notre… pomme ! Je la soupçonne d’être tout sauf un fruit. Ce
n’est pas moi qui le dis, cela se vérifie et je vais vous le prouver…
Écoutez !
C’est un envahisseur qui en silence,
sous des attraits colorés et parfumés, s’impose à nous, en nous, dans tous les
domaines et ce depuis des lustres. Elle est partout et nous ne la devinons.
Tenez, par exemple, au début du
quatorzième siècle, elle sévissait déjà. Il semblerait qu’elle fut la complice
d’un mercenaire Suisse, un certain Guillaume, soit disant expert dans le
maniement de l’arbalète. Lui, faisait preuve de piquant, tandis qu’elle
démontrait déjà son mordant !
Et plus tard, au cours de
l’histoire : vous rendez-vous compte de l’impact de ce faux fruit sur la
physique ? Dois-je vous rappeler qu’elle s’imposa dans cette science comme
un fruit trop mûr tombé de l’arbre !? Car n’est-ce pas par elle que la
théorie de la gravité universelle fut démontrée ? Encore un témoignage de son
étendue.
Je vous le dis : la pomme est une
inquisitrice ! Elle nous manipule. Quand je pense qu’elle va se faire
empoisonneuse ! Si si… c’est une meurtrière. D'ailleurs, Blanche Neige n’en
fit-elle pas les frais ? Oui, c’est vrai, je vous l’accorde, Blanche Neige
était une « gentille fille »… elle s’est fait avoir jusqu’au trognon
! En ce qui me concerne, jamais je ne serais tombée dans le panneau. À sa
place, la vieille sorcière ne se serait pas foutue de… ma pomme ! Personnellement,
j’aurais tout de suite vu qu’il y avait un… pépin ! Pensez donc ! Une
vieille peau, flétrie, limite blette trainant dans le…quartier ! Ça se
repère, non ?
Je vous le répète : la pomme est
partout. Dans la gastronomie : sucré ou salé, en compote ou en confiture,
au four ou en tarte… (mais cela nous le savons tous). Dans la boisson :
cidre, calvados, pommeau… (Heu ! Là, d’ici la fin de la journée nous l’aurons
probablement oublié) Dans la médecine…
oui oui, ici aussi je l’ai déniché, inutile de me passer de la… pommade ! Je
suis une experte quand il faut fouiller.
Quand je pense qu’elle est capable de
se rendre douce, sucrée, juteuse, acidulé, qu’elle est à croquer… Mais toutes
ces « tentations » ne sont que poudre aux yeux : la pomme nous abuse.
En fait, elle est depuis la création, l’alliée du Mal (c’est une maligne !). Ce
fruit devrait être catalogué « fruit défendu », mais au lieu de ça,
on nous bombarde de « Manger au moins cinq fruits par jour » !
Non, vraiment, c’est une perverse !
Vous ne me croyez toujours pas ? Pourtant elle a réussi, à la barbe de tous, à
s’infiltrer dans les plus hautes sphères. Elle a obtenu le plus haut statut qui
puisse exister. Elle fut le symbole d’une nation, l’étendard d’un homme
puissant, l’image d’un pays… Elle eut sa place au plus haut niveau puisqu’elle
fut le fleuron du pouvoir exécutif. Se faire gouverner par une
« pomme », quand même ce qu’elle est douée !
Tout ça pour en arriver à la
conclusion que sans elle nous ne serions pas plus hauts que « trois
pommes ». Mais bon, je vais m’arrêter là, sinon vous allez croire qu’il
n’y a en a que pour « ma pomme », et je m’en voudrais si à force de
vous saouler, vous tombiez dans les …. !
Donc voilà ce que je pondis. Quelques mois plus tard, la Pomme me valait le premier prix d'un concours littéraire (le prix Oresne) lors du concours Des Palinods. Prenez des notes.
Ma Pomme ayant fait des émules question écriture et style, il y a peu on me contactait pour un autre texte. Cette fois, mieux valait mettre ma dérision de côté. L'exercice était sérieux, il fallait rendre hommage à un auteur (Claude Goupil) malheureusement disparu et à son travail, ainsi qu'aux français, des Normands qui sauvèrent de jeunes soldats américains qui s'écrasèrent... Regardez-là.
Voici donc ce que j'ai pu écrire en collaboration avec le Docteur Jean-Pierre Eudier. Si ce texte convient, il sera présenté lors de la commémoration organisée par la ville de Montivilliers, devant les familles qui accueillirent ces pilotes.
PARCE QUE NOUS NE LES OUBLIERONS
JAMAIS.
Texte en hommage à Claude Goupil
et de son travail à la mémoire de
ceux
qui ont caché et protégé, au péril
de leur vie,
l’équipage d’un bombardier
américain
tombé du ciel le 13 août 1944
dans les plaines du canton de
Montivilliers.
De Laure TOUSSAINT
Et
Jean-Pierre EUDIER
L’engagement est une valeur d’avenir et
d’action. Il peut être multiple et révèle un comportement des plus humains qui
se cache derrière de nombreuses décisions. L’homme s’engage sans concession et
sur la durée.
Que son engagement soit politique,
économique, culturel, écologique, militaire, social… l’homme s’engage pour des
valeurs, par croyance, par conviction, pour donner un sens à sa vie, à la vie.
En cette année 1944 de jeunes soldats vinrent
de loin, s’engagèrent pour la liberté et la paix, afin de libérer des hommes
pris dans la tourmente d’une guerre provoquée par un tyran. Face à ce führer, quelques
fois, d’autres, bien moins armés, s’engagèrent à leur tour pour préserver la
vie sans se poser de question, juste parce qu’ils étaient des hommes et qu’ils
pensaient que toute vie se doit d’être sauvée. Ceux-là s’engagèrent envers et
contre tout.
« Oh,
le vent, le vent souffle.
Entre
les tombes, le vent souffle.
La
liberté naîtra bientôt
Et
nous sortirons de l’ombre. »
Couplet tiré de « Le chant des
partisans » de Léonard COHEN
Nous avions tremblé tandis que leurs
bottes défilaient au pas cadencé, claquant violement les pavés de nos rues, tel
le tonnerre des orages d’été si virulent en nos contrées. Nous avions déjà tant
pleuré de proches et d’amis disparus…
Mais cet été là, d’une toute autre
manière, nous avons tremblé, tandis que les aigles noirs airaient sur nos
terres, d’autre rapaces rutilants défilaient dans notre ciel, au-dessus de nos
têtes terrifiées, cachant dans leurs ventres bombés, des bombes qui jusque-là
nous avaient épargnées…
Pourtant nos craintes et nos terreurs se
mêlaient à nos espoirs. Ces nouveaux envahisseurs nous prenaient pour cible.
Nos frayeurs étaient fondées. Ils étaient notre ultime malheur, seulement, leur
soudaine apparition signifiait aussi bien plus. Car ils étaient nos espoirs
perdus, notre espoir d’être enfin sauvés d’une terrible force armée.
Nous avions haï les BOCHES !
Soudain nous priions les AMERLOQUES et les ROSBIFS !
Ils volaient, rapaces venus d’outre
Manche, Rolls Royce du ciel, et malgré tout la vie continuait.
Elle en avait toujours été ainsi.
Qu’ils aient franchi le Rhin ou la
Manche, jamais nous n’avions cessé de croire, d’espérer et de vivre, du moins
de survivre. Si ce n’était pour nous-mêmes, nous le devions à nos enfants, et
aux enfants de nos enfants… Ils ne subiraient pas la tyrannie !
La vie continuait, suivait son immuable
cours, entre labeurs et foires, baptêmes et communions, mariages et moissons…
Dans les champs verts de nos campagnes,
battues par ces monstres de fer, nous gardions nos belles Normandes et
récoltions nos gerbes, souhaitant au plus profond de nos âmes affolées que
toujours elles ne soient que de blé doré et non des cendres de nos êtres aimés.
Si en d’autres temps, pas si reculés, il
nous était arrivé de cacher dans nos caves, nos greniers, nos granges ou nos
celliers, les persécutés de la Croix Gammée, sachant que nos vies risquaient
d’en pâtir, c’est que déjà nos cœurs nous préparaient à dissimuler une poignée
de « déplumés » qui sans aile tomberaient du ciel, croqués à la volée
par des dragons qui de la terre cracheraient un feu prompt à les terrasser.
Bien mal leur en prit à ces forcenés de
l’Est !
Car ils auraient dû compter sur nos cœurs normands isolés, désireux de
recouvrer une liberté tant convoitée. Jamais nous ne dîmes mot, nous nous tûmes et agîmes sans compter.
Alors peu importait les pleurs moribonds
de ces oiseaux sombres. Peu importait les ruines de nos fermes que ces larmes
engendraient. Peu importait les abîmes creusés dans nos sols si verdoyants, où
le sang qui empoisonnait nos rivières, et les cris et souffrances de nos mères…
Il a soufflé : « Aime ton
prochain comme toi-même. » Alors nous l’avons écouté sans crainte.
Puisque sous l’uniforme de l’amerloque
ou sous celui du rosbif l’on découvrait de jeunes enfants. Dans leurs yeux
luisaient la même peur que la nôtre, ils auraient pu être nos fils, nos gendres,
nos frères… Nos devions les sauver, les cacher, les préparer à fuir nos
contrées envahies qu’ils venaient de ravager.
Parce que leur vie était la nôtre, et
celle qu’ils offraient à nos enfants…
Nous tous avons souffert, que l’on fut
de l’Est ou de l’ouest, en nos veines coulent le même sang. Qui étions nous
pour juger d’actes qui nous dépassaient et desquels naissaient une volonté de
paix et de fraternité. Ils donnaient leur vie pour nous, nous nous devions d’en
faire autant. Ils faisaient preuve d’abnégation, nous fîmes preuve de
compassion.
« Mais
je n’ai pas peur.
J’ai
repris mon arme.
J’ai
changé cent fois de nom.
J’ai
perdu femme et enfants,
Mais
j’ai tant d’amis
J’ai
la France entière. »
Léonard Cohen « Le Chant des
Partisans »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire